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Publicado el 20 de enero 2001
Auteur: Alain Maury
Publié dans le numéro de Janvier 2001 de l'Astronomie, revue de la Société Astronomique de France.
Retour amusant de l’histoire des sciences : La retombée principale de l’exploration in situ des planètes, le plus haut niveau de technologie atteint par notre espèce donne l’explication toute simple d’un grand nombre de nos légendes et croyances ancestrales : Le ciel nous est déjà, et peut encore, nous tomber sur la tête.
Histoires...
- La découverte du premier astéroïde par Piazzi le premier jour du dix neuvième siècle est un événement d'importance dans l'histoire de l'astronomie. Le fait que Gauss invente sa méthode de façon à pouvoir suivre Céres place cette découverte au premier plan de l'astronomie observationelle comme théorique du moment. Quelques autres astéroïdes suivront quasi immédiatement, puis plus aucun pendant une trentaine d'années, d'une part par manque de cartes de champ de bonne qualité, d'autre part parce que Olbers, professionnel respecté, ayant cherché et n'ayant pas trouvé de nouveaux objets déclare qu'il ne doit plus y en avoir à trouver, et que tout le monde l'écoute. Il faudra attendre 1845 pour que K. Hencke, un amateur, trouve Astrea, et relance la recherche d'astéroïdes.Celle ci restera encore visuelle jusqu'à pratiquement la fin du siècle. Le dernier astéroïde découvert visuellement est 1073 Gellivara découvert par J. Palisa le 14 Septembre 1923.- Dans le milieu des années 1870, Mr Chacornac, astronome à l'observatoire de Paris entreprend la réalisation d’une série de 12 cartes de l'écliptique de façon à pouvoir détecter plus facilement les astéroïdes. Il décède avant de finir son oeuvre. Il reste 2 cartes pour compléter son oeuvre, qui est confiée aux frères Henry. Les deux cartes concernent les régions denses de la voie lactée, Scorpion et Sagittaire, et ceux ci réalisent vite que le travail est irréalisable. Bons opticiens, et au fait des progrès de la photographie astronomique, ceux ci taillent en 1881 un objectif photographique dont l'histoire nous dit qu'il mesure 16cm de diamètre et 2700mm de focale, optimisé pour les rayons "photographiques", c'est à dire pour le bleu. Cet objectif, installé sur un des équatoriaux de Meudon, permet de réaliser des poses qui montrent des images aussi faibles que celles visibles à l'œil nu, mais qu'il est faisable de mesurer et remesurer à loisir avec une bonne précision. Le directeur de l’ Observatoire de Paris d'alors, l'amiral Mouchez réalise alors qu'il est possible de réaliser un atlas photographique du ciel. Le projet de la « carte du ciel » est né, colossal pour l’époque, et avec lui, l'enterrement de l'astrophysique française qui ne s'en relèvera qu'après les années 1960.- Cette première partie du vingtième siècle marque une perte d'intérêt progressif pour l'observation des astéroïdes. Au niveau théorique, l'essentiel est fait en 1912 par l'astronome japonais Hirayama et le portrait de la ceinture principal qui en découle ne changera pas de façon substantielle avant les années 1970. On imagine que cette ceinture est le résultat de la fracture d'une ou plusieurs planètes situées entre Mars et Jupiter aux débuts de l’histoire du Système Solaire. Ce ne sont pas la petite dizaine d'astéroïdes géocroiseurs découverts au hasard des observations, où le passage d'Hermès à moins de deux fois la distance Terre Lune en Octobre 1937 qui vont relancer l'intérêt pour ce domaine, qui, l'essor de l'astrophysique aidant, va aller progressivement en se "ringardisant", les astéroïdes étant appelés par les astrophysiciens les "vermines du ciel". Il est vrai que sur image prise par exemple par le télescope de Schmidt du Mont Palomar dans les années 1950, on peut détecter jusqu'à une centaine de traces laissées par des astéroïdes encore inconnus sur une seule plaque. Il faut de l’ordre d’une après midi de labeur pour mesurer et réduire en coordonnées astronomiques une seule de ces traces. Le calcul se fait à la main, ou avec l’aide d’une calculatrice, c'est à dire une employée de l'observatoire, qui, à l’aide d’une règle à calcul et d’une table de logarithmes réalisera les calculs nécessaires pour les soins de l'astronome.Les géologues de Caltech.Les années 60 voient le début de l'ère spatiale, l'exploration de la lune, au départ par des engins automatiques, puis par des humains. Le survol des planètes telluriques apporte un bouleversement énorme dans notre connaissance des planètes, basée auparavant uniquement sur l'observation visuelle et photographique depuis le sol. La NASA américaine joue un rôle prépondérant dans cette aventure, et notamment le Jet Propulsion Laboratory à Pasadena, géré par le California Institute of Technology, qui gère également le prestigieux observatoire du Mont Palomar. Contrairement aux agences spatiales européennes qui n'intègrent pas la composante scientifique des engins qu'elles envoient dans l'espace, la NASA, dès ses débuts, embauche des géologues pour interpréter les milliers de clichés obtenus par les différentes sondes. Alors qu'auparavant, la lune était le seul corps du Système Solaire qui montrait des cratères, sans que la majorité des astronomes soit convaincus de leur origine catastrophique, il apparaît très rapidement que le cratère d'impact est la structure géologique la plus fréquente du Système Solaire. On peut très facilement les compter, mesurer leur diamètre, leur profondeur, dériver également une courbe donnant le nombre de cratères en fonction de la taille en fonction du terrain étudié. On peut un peu plus difficilement tenter une datation, avec l'idée qu'un cratère ancien sera érodé et marqué par beaucoup de cratères plus récents alors qu'un cratère très récent sera pratiquement non affecté. L'idée reçue de l'époque est que les cratères ont été formés au tout début du Système Solaire, lors de sa formation. Très rapidement, les petits corps croisant les planètes ont du tomber sur celles ci, "nettoyant" le Système Solaire. On s'aperçoit très vite que cette idée reçue est fausse et que si la fréquence des impacts a énormément diminué depuis l'époque du grand bombardement, les planètes ont subi un flux non nul et, en première approximation, quasi-constant depuis cette époque. Ce flux, mesuré par exemple par le nombre de cratères d'impacts sur les mers lunaires (qui sont des terrains d’origine postérieure au grand bombardement primordial) implique un nombre d'astéroïdes géocroiseurs beaucoup plus important que la petite trentaine connue alors et en conséquence, une fréquence d’impact beaucoup plus élevée que ce que l’on pouvait imaginer à l’époque. Il est frappant de noter que sur cette trentaine, pratiquement une bonne moitié correspond à des objets vus très furtivement, puis perdus ensuite. C'est donc logiquement au directeur de l'observatoire du Mont Palomar que Eugene Shoemaker va s'adresser de façon à tenter de résoudre cette énigme. A partir de 1972, celui ci, épaulé par Eleanor Helin, tous deux au départ ignorants de ce qu'est un télescope, vont commencer à observer le ciel avec le petit télescope de Schmidt de 45cm du Mont Palomar de façon à trouver ces astéroïdes qui « manquent à l'appel ». Utilisant une technique peu efficace au départ, nos deux géologues, qui ensuite vont se séparer et créer chacun leur programme d'observation sur le même télescope, utilisant de temps à autres le grand Schmidt de Palomar, vont progresser, et découvrir de plus en plus d'astéroïdes géocroiseurs et de comètes.Leurs succès aidant, un certain nombre d’observateurs planétologues vont comprendre qu’il y a là du nouveau. Tom Gehrels, un observateur chevronné qui a fait l’essentiel de sa carrière dans le domaine de la polarimétrie des planètes (notamment comme responsable (P.I.) du polarimètre imageur à bord des sondes Pionneer qui furent les premières à renvoyer des images de Jupiter) envisage très tôt un télescope muni d’un de ces tous nouveaux détecteurs CCD. Spacewatch verra le jour en 1983, avec le plus vieux télescope installé à Kitt Peak et au départ un CCD trop petit pour pouvoir découvrir quoique ce soit de substantiel. En 1989, la révolution arrive sous la forme d’un CCD Tektronix de grande taille. Il s’agit d’un des 3 trois premiers CCD de 4 millions de pixels que cette firme arrive à fabriquer (un autre ira pour le télescope de 4m de Kitt Peak, et un autre sera acheté par un amateur fortuné, dentiste de son état). Très rapidement, Spacewatch dépasse tout ce qui se fait à l’époque, et ce encore plus quand le CCD de première génération est remplacé en 1991 par un modèle aminci, beaucoup plus sensible. La station de travail de l’époque est un modèle quadriprocesseur qui permet de réaliser une détection automatique des astéroïdes découverts sur 3 scans successifs de la même région du ciel. Le système détecte instantanément les traces allongées sur l’écran, que l’observateur confirme ou infirme. L’observateur peut aussi marquer des objets très faibles vus à l’œil mais non détectés par le logiciel. Avec sa plus grande sensibilité (typiquement les scans de Spacewatch arrivent à détecter sur des poses de 2 minutes des astéroïdes de magnitude 21 alors que les programmes photographiques de l’époque plafonnent à la magnitude 17 en 10 minutes de pose), Spacewatch est le premier programme a détecter des objets de petite taille à très courte distance de la Terre.
Eugene Shoemaker
Eugene Shoemaker, à la fois géologue et astronome, est le père fondateur de la science moderne concernant les cratères d'impact. Il passe sa thèse en étudiant le Meteor Crater d’Arizona et son premier travail l'a amené à travailler sur les cratères laissés par les explosions nucléaires. Il continue en explorant de nombreux cratères terrestres, dont le cratère de la Ries en Allemagne. Il participe aux missions spatiales comme spécialiste, pense qu'il pourra faire partie du contingent des astronautes d'Apollo, mais, déception, est nommé au comité de sélection de ceux ci. Il s'occupera de leur formation en géologie des cratères d'impacts, notamment dans le Meteor Crater qu'il connaît si bien. Harrison Schmidt, astronaute sur Apollo 17 et seul géologue des astronautes d'Apollo est un de ses élèves. Il commence son programme d’observation (une semaine par mois sauf en été où il se rend en Australie pour étudier les cratères d’impacts sur le terrain) en 1973, et le termine avec la découverte de la comète Shoemaker Levy 9. Il décède dans un accident de la route en Australie en 1998. La sone spatiale lunar prospector, contenant quelques unes de ses cendres crée un cratère d’impact près du pôle sud de la lune en 1998. Eleanor Helin a passé l’essentiel de sa vie à rechercher des astéroïdes géocroiseurs, principalement à Palomar. Elle termine son programme d’observation à Palomar le mois avant la découverte de la comète Hale Bopp. Elle a énormément contribué à lancer les recherches d’astéroïdes géocroiseurs au niveau international. Depuis elle anime le groupe NEAT qui observe en mode automatique depuis un des télescopes de l’armée américaine à Hawaii. Ce groupe prépare une collaboration avec l’université de Yale pour la construction d’une grande caméra CCD qui équipera le grand télescope de Schmidt de Palomar, celui ci étant alors dévoué pour 50% à la recherche de quasars, et 50% à la recherche d’astéroïdes proches (les objets les plus lointains de l’univers et les plus proches). Tom Gehrels est un astronome américain, d’origine hollandaise. Il s’est intéressé à la planétologie via la polarisation. Responsable du spectropolarimètre à bord des sondes Pionner, il s’oriente ensuite vers la recherche des astéroïdes géocroiseurs à l’observatoire de Kitt Peak. Convaincu très tôt de l’intérêt des CCDs pour la recherche automatique de ces corps, il fonde le programme Spacewatch en 1983. Dès que des CCDs de taille suffisante sont disponibles, ce programme révolutionnera la recherche des petits corps.
Politiquement, la situation évolue aussi. Au début des années 90, plusieurs meetings sur les astéroïdes géocroiseurs et le danger potentiel qu’ils représentent sont organisés aux Etats Unis et en Europe. A la demande du congrés américain, La NASA forme un groupe de travail, qui rend un rapport sur les problèmes posés par la détection des astéroïdes géocroiseurs. Ce rapport s’appelle le rapport Spaceguard d’après le nom d’un tel programme dans une nouvelle de A.C. Clarke. Un deuxième groupe de travail, composé essentiellement de personnes du « complexe militaro industriel » rendra un rapport sur les techniques d’interception et de déviation des astéroïdes (ce que les anglosaxons appellent la « mitigation »). L’Union Astronomique Internationale crée un groupe de travail sur les astéroïdes géocroiseurs. Le conseil de l’Europe, en 1996 passe une résolution sur la détection des astéroïdes potentiellement dangereux pour l’humanité, non suivie d’effets. Le budget attribué par la NASA aux programmes de détection passe progressivement à un puis trois millions de dollars annuels (contre toujours 0 pour l’Europe). Bien que l’Australie cesse le programme d’observation mené en utilisant les plaques prises pour d’autres programmes au télescope de Schmidt anglo australien, et que la collaboration entre le DLR (agence spatiale allemande) et l’OCA (Observatoire de la Côtee d’Azur) menée sur le télescope de Schmidt de l’observatoire de la Côte d’Azur est arrêtée en 1999, la Chine est actuellement en train de construire un nouveau télescope de 1m de diamètre, le Japon vient de mettre en service à la fois un télescope de 50cm à grand champ et un télescope de un mètre muni d’une caméra de 64 millions de pixels. Le grand télescope de Schmidt du Mont Palomar, qui vient de terminer sa seconde survey du ciel boréal, devrait prochainement reprendre du service avec une caméra à 5 grands CCD. Un nouveau télescope de 1.80 mètres va également entrer en fonctionnement à Kitt Peak dans le cadre du programme Spacewatch. Son miroir avait dans les années 70 été confié à Tom Gehrels, mais qui n’avait pu trouver le financement pour le télescope. Le miroir a été utilisé pendant de nombreuses années au MMT, et est revenu à Spacewatch lorsque le MMT a été récemment muni d’un miroir monolithique.
L’armée américaineDans les années 1970, l’armée américaine (pour être précis l’US Air Force) avait mis au point un réseau de satellites dont la fonction première était la vérification du respect de l’interdiction des explosions atomiques dans l’atmosphère. Plus tard, ce réseau s’est densifié et a évolué vers un système permettant la détection de tout objet « chaud » volant dans l’atmosphère (des avions à réaction aux scuds de la guerre du golfe). Ce système détecte très tôt après sa mise en service des explosions très fortes liées à l’arrivée brutale d’objets de taille intermédiaire entre les étoiles filantes et les petits astéroïdes. Ces explosions arrivent assez fréquemment, et passent généralement inapercues depuis le sol (qui n’est peuplé qu’à environ 3%, et souvent sous les nuages par ailleurs). En Janvier 2000 par exemple, un tel objet a explosé au dessus du territoire du Yukon, générant l’équivalent d’une explosion de quelques tonnes de TNT (un cinquième de l’explosion d’Hiroshima). Ce sont plusieurs explosions similaires qui sont enregistrées chaque année. Dans les années 80, les militaires américains contactent discrètement Eugene Shoemaker pour lui demander s’il serait possible que les explosions en question soient liées à l’arrivée d’objets d’origine météoritique. Une des premières explosions de ce type enregistrée au large de l’Afrique du Sud est à l’époque à l’origine de rumeurs de développement d’une bombe atomique entre Afrique du Sud et Israel. Sensibilisés à ce problème, et au fait de leur puissance après l’ère Reagan, plusieurs personnes dans la mouvance militariste participeront à des meetings sur les astéroïdes géocroiseurs, et non des moindres Edward Teller (inventeur de la bombe H, fondateur du Lawrence Livermore Laboratory, il a réussi à convaincre le président Reagan de la faisabilité du programme Star Wars). Il est alors stupéfiant, alors que Gene Shoemaker paie encore de ses deniers personnels les films qu’il utilise sur l’antique télescope de 45cm de Palomar de voir les militaires du programme de la guerre des étoiles présenter des programmes pharaoniques permettant de protéger l’humanité de ces astéroïdes qui finalement « tombent bien ». Satellites permettant la détection temps réel, d’autres avec des systèmes d’armes permettant l’interception, toute la panoplie star wars est présente. Sauf que les statistiques indiquent qu’il est plus que probable que rien ne se passera à notre époque et qu’il n’y aura pas de « guerre des astéroïdes ». Il faut faire l’inventaire des objets qui passent près de chez nous, tout en sachant qu’il est plus que probable que nous pouvons regarder le futur, au moins du côté du ciel de façon sereine. Tant qu’aucun objet dangereux n’est détecté, et ce plusieurs dizaines d’années à l’avance, il est plus que prématuré de placer en orbite des systèmes d’armes. Les militaires américains le réalisent assez tôt. Un des aspects positifs de la prise de conscience par les militaires américains que des astéroïdes peuvent tomber sur Terre est qu’une explosion au sol, quelque soit sa nature, pourvu qu’elle soit assez importante, génère ce que l’on appelle aujourd’hui un « champignon atomique ». Un astéroïde heurtant la Terre générer exactement le même type de nuage, mais non radioactif, tout comme si on avait fait simultanément exploser plusieurs milliers de tonnes de TNT en un seul endroit. Comment expliquer au public ou à des militaires moins informés puisque non sensibilisés qu’il s’agit là d’un phénomène naturel ?. Ceci n’est pas qu’une vue de l’esprit. On pense notamment aux conséquences malheureuses que pourrait avoir la chute d’un astéroïde sur un pays en quasi état de guerre, possédant l’arme atomique, ou dont les voisins possèdent l’arme atomique (Corée, Inde, Israël… ). On pense savoir que l’armée américaine a maintenant les moyens de différencier une explosion atomique de la chute d’un petit astéroïde. La rumeur dit que le président et le vice président américain ont été réveillés en pleine nuit en 1994 lorsqu’un objet ayant crée une explosion de l’ordre de 60 kilotonnes de TNT est tombé au dessus de la Micronésie, donnant lieu à une « étoile filante » (?) de magnitude –27 ! . Ce type d’objet tombe typiquement sur Terre seulement une fois tous les 10 ans. La même rumeur dit que le temps pris par l’US Air Force pour vérifier une explosion détectée par ce réseau en temps de paix est de l’ordre de 30 minutes, et qu’il est bien plus court en temps de guerre (niveau d’alerte, DEFCON, le plus élevé). L’armée américaine, sans pouvoir transformer la guerre des étoiles en guerre des astéroïdes va contribuer plus que positivement, d’une part en plaçant un satellite disposé à tester des technologies de la guerre des étoiles en orbite autour de la lune (sonde Clementine), puis en utilisant certains des télescopes du réseau de surveillance optique (GEODSS) muni d’une caméra CCD très efficace pour détecter les astéroïdes potentiellement dangereux. La présence bienveillante d’un général de l’US Air Force, mais ancien astronome (il a passé sa thèse à Sacramento Peak et à Kitt Peak), S. Worden, n’est pas étrangère à tout cela. Un de ces télescopes, situé à Hawaï en collaboration avec le Jet Propulsion Laboratory sous la responsabilité d’Eleanor Helin permet au programme NEAT d’exister, hélas, uniquement suivant un nombre de nuits limitées par mois. Deux autres télescopes, gérés par le Lincoln Laboratory (département du Massachussets Institute of Technology gérant les programmes gouvernementaux américains), munis de caméras très efficaces constituent le programme LINEAR. Actuellement, et malgré la concurrence de tous les autres programmes de détection, LINEAR découvre plus de 70% des astéroïdes géocroiseurs. Utilisant des poses très courtes (6 secondes typiquement, permettant d’acquérir un nouveau champ de 2 degrés carrés toutes les 10 secondes), LINEAR détecte les objets jusqu’à la magnitude 19. Le succès de ce programme est tel qu’en 2 ans d’existence, il a découvert plus d’astéroïdes que tout autre programme ( plus de 95000 dénominations provisoires auprès du Minor Planet Center), rapporte 10 fois plus d’observations au MPC que tous les autres programmes confondus, aura d’ici peu le plus grand nombre d’astéroïdes numérotés, a déjà découvert jusqu’à 8 comètes nouvelles dans la même lunaison et a découvert depuis 1998 plus de 400 astéroïdes géocroiseurs, sur les 1200 et quelques actuellement connus. Une partie du succès de LINEAR est du aux quelques programmes professionnels et au grand nombre d’amateurs qui, munis de télescopes de petits diamètres et de caméras CCD, assurent le suivi des découvertes de LINEAR. Il semble évident qu’un programme ayant la couverture angulaire mensuelle d’un LINEAR mais allant à la magnitude 21 par exemple produirait des résultats impressionnants. On voit l’avancée extraordinaire des techniques lorsque l’on sait qu’il sera bientôt possible de photographier et traiter en temps réel tout le ciel visible chaque mois, avec une magnitude équivalente à celle de l’atlas du Mont Palomar, alors la réalisation de celui ci a pris plusieurs années auparavant, et que la carte du ciel, limitée à la magnitude 13 a nécessité des dizaines d’années.
Du côté des calculateurs d’orbites….
La première chose que l’on peut constater est que la croissance du nombre d’objets découverts a été suivi par une croissance de la puissance informatique (à moins que ce ne soit l’inverse ?). Le Minor Planet Center de l’UAI (Union Astronomique Internationale ) traite aujourd’hui un nombre impressionnant de mesures de façon automatique. Chaque mois, plus d’astéroïdes sont actuellement numérotés que pendant le premier siècle d’observation, et cette tendance devrait continuer encore dans les années à venir.Un nouvel aspect de cette problématique « néo catastrophiste » s’est développé lors de l’impact de la comète Shoemaker Levy 9 sur Jupiter en 1994. Il a fallu alors développer les programmes permettant de calculer un impact, les circonstances précises du lieu de chute ainsi que l’instant des chutes. L’imagerie populaire (notamment avec les films Armageddon et Deep Impact) donnent l’image de l’observateur, qui réalisant instantanément qu’il a un objet dangereux devant lui, tapote sur son clavier d’ordinateur et trouve immédiatement le quartier de la ville (américaine) où va s’écraser l’objet. La réalité est quelque peu différente. Tout d’abord, avant SL9, personne n’avait de programmes permettant de faire ce genre de prédictions. Ensuite, le calcul est un calcul de probabilité d’impact. Lorsque l’on calcule par intégration numérique la position future d’un objet, on définit en fait une zone où l’objet a toute probabilité d’être. Cette zone est d’autant plus grande que le jeu de positions observées est faible (et surtout que la longueur de l’arc observé est courte), que la date concernée est lointaine dans le futur et donc que l’objet va subir de nombreuses approches serrées aux planètes du Système Solaire interne. Beaucoup de ces objets ont une orbite dite chaotique. Le calcul est relativement complexe, et il faut plusieurs jours pour avoir une idée précise de l’évolution future d’un objet. Il aura fallu l’astéroïde 1997 XF11 pour que plusieurs groupes de dynamiciens commencent à étudier de près ce problème. Aujourd’hui, 4 groupes au niveau mondial réalisent ces calculs de façon routinière (le groupe de Don Yeomans au JPL, le MPC, le département de mathématiques de l’université de Pise sous la houlette de Andrea Milani, et Karri Muinnonen de l’université d’Helsinski en Finlande). 1997 XF11 est un objet découvert par Spacewatch fin 1997. Brian Marsden, en calculant les éphémérides de cet objet s’est rendu compte qu’il passait très près de la Terre en 2028. Il avait aussitôt publié une circulaire UAI de façon à demander aux observateurs de continuer à observer cet objet pour augmenter la précision de l’orbite, tout en mentionnant que l’objet passerait à une distance très courte en 2028 (Circulaire UAI 6837) en ayant le tort de mentionner que l’objet allait passer vraisemblablement très près de la Terre, et terminant cette phrase par un point d’exclamation (ce qui est peu coutumier dans une publication scientifique). Il n’en fallu pas plus pour que les médias annoncent la fin du monde pour 2028. Ce qui fut démenti peu de temps après lorsque des observations datant de 1991 furent retrouvées par Eleanor Helin (preuve que la circulaire avait atteint son but). Pour la première fois, d’une part les astronomes étaient capables de faire un début de prédiction d’une approche serrée, et moins glorieusement, ils jouaient involontairement le rôle de Cassandre. En fait, rapidement, et avant la parution des observations de Helin, Don Yeomans, du JPL, avait annoncé que la probabilité d’impact, telle qu’il venait de la calculer, était nulle. Ceci étant, l’orientation de l’ellipse donnant la position probable de l’objet était fausse, preuve que le programme n’avait pas beaucoup tourné sur des cas réels depuis SL9. Depuis, plusieurs autres cas similaires ont été détectés, notamment par l’équipe de Pise en Italie, avec des probabilités d’impacts dans le futur généralement très faibles (la plus grande probabilité jusqu’à présent a été de 1/500ème). Jusqu’à présent, sauf un cas d’un objet qui est actuellement perdu, tous ces cas ont pu être éliminés quasi immédiatement dès que de nouvelles observations ont été obtenues, soit d’anciennes observations ont pu être retrouvées dans les archives. Actuellement plusieurs groupes pratiquent ce genre d’activité qu’il est possible de baptiser du néologisme de « précouverte » (precovery en anglais). Avec une base de données des plaques photographiques ou d’observations CCD (allant des plaques digitalisées des « sky surveys » aux données de programmes particuliers, comme par exemple les 25000 films pris au petit Schmidt de Palomar par les Shoemaker (et certainement la même quantité prise par Helin), des amateurs s’amusent à tenter d’identifier des objets récemment découvert sur ces mines d’informations que sont les archives. Lorsqu’un objet géocroiseur est à l’aphélie, il apparaît le plus souvent comme un objet ordinaire de la ceinture principale. Sur des clichés photographiques, il n’a en général jamais été rapporté à l’UAI. Lorsque l’on vient de découvrir un objet intéressant et que l’on peut l’identifier sur des plaques datant d’une vingtaine d’années, la qualité de l’orbite augmente énormément, et l’objet peut généralement être numéroté rapidement. Plus intéressant dans le cas d’un objet avec une probabilité d’impact non nulle dans le futur : l’orbite améliorée montre généralement que l’objet passera à courte distance de la Terre, mais avec une probabilité d’impact nulle. Une autre manière de considérer un objet qui a un moment donné possède une probabilité de un millionième de rentrer en collision avec la Terre est d’imaginer qu’il en faudrait (au sens de la statistique) un million pour en avoir au moins un qui rentre effectivement en collision avec notre belle planète. Ces cas vont certainement devenir de plus en plus fréquents au fur et à mesure de l’augmentation du nombre de découvertes et que l’on arrive à prévoir les approches serrées du futur. Il suffit de savoir que dans l’espace contenu dans l’orbite de la lune (une sphère de 400000km de rayon centrée sur la Terre), à tout moment, il y a environ une cinquantaine d’objets d’une cinquantaine de mètres de diamètres, quelques uns de diamètres plus important, et vraisemblablement, quelques fois l’an, le passage d’un objet dont il est très bien qu’il ne fasse que passer. En fait la détection d’une approche particulièrement serrée dans le futur ne concerne qu’une fraction des objets qui passent régulièrement à courte distance de la Terre.Après 1997 XF11, les astronomes ont du se préparer pour mieux affronter la presse et le public en cas d’alerte liée à la prédiction d’une probabilité d’impact avec un astéroïdes. Un des problèmes étant d’informer les observateurs et les calculateurs d’orbites, en jouant le jeu de l’information ouverte (ne rien cacher, ce qui pourrait avoir des conséquences bien plus graves), mais sans générer une panique médiatique. Des directives ont été établies par l’UAI, et jusqu’à présent, elles ont du être revues à chaque fois qu’un nouvel objet ayant une probabilité d’impact non nulle était annoncé à la presse. Il existe actuellement une échelle allant de 1 à 10, dite de Torino, qui a pour but de placer un objet en perspective en fonction de sa taille et de sa probabilité d’impact (la taille étant en général assez mal connue, et la probabilité d’impact changeant au fur et à mesure des observations disponibles). Cette échelle n’est qu’un des aspects des tentatives diverses faites par les astronomes pour mieux communiquer ce genre d’évènement, en tentant à la fois d’être le plus ouvert possible, sans pour autant provoquer des paniques généralisées de manière infondée. Exercice de style périlleux, lorsque l’on connaît « l’impact » de ce genre d’annonce auprès du public, et ce d’autant plus que l’on a affaire à un objet qui présenterait une probabilité importante d’impact, qui ne puisse pas être observé pendant un certain temps, avant que la probabilité ne redescende à zéro. Jusqu’à présent, les « alertes » n’ont durées que quelques jours, nul ne sait comment les populations réagiraient en cas d’un « suspense » prolongé, notamment en ce qui concernent les « groupes extrêmistes », sectes apocalyptiques et autres. Par ailleurs, la notion de probabilité de chute n’est pas une notion suffisante, lorsque cette probabilité devient palpable. Il est évident que personne ne va perdre le sommeil pour un objet qui a une probabilité de un millionième de tomber sur Terre (autrement dit 99,9999% de chances de ne pas tomber sur Terre). On peut imaginer, si la Terre vient à être frôlée de très près (disons 1000km) dans le siècle qui vient, ce qui est du domaine du faisable, des astronomes devant expliquer que la probabilité est de 20%, mais qu’ils attendent de nouvelles informations pour confirmer cette probabilité. Il est probable que le public ne se satisfasse pas longtemps de probabilités. La communication scientifique fonctionne clairement suivant deux modes. Le mode lent, lorsqu’un groupe de scientifiques annonce une découverte qui bien souvent n’est important que pour lui même (en astronomie, une nouvelle planète extrasolaire « ordinaire », un nouveau type d’objet exotique, etc…), et le mode rapide, lorsque la nouvelle a un effet direct sur la société ( une nouvelle maladie ou épidémie, un nouveau vaccin, la première planète extrasolaire qui ressemblera à la notre, la fin du monde potentielle liée à l’arrivée d’un astéroïde). Dans ce deuxième cas, il est clair qu’il n’est pas possible de communiquer comme sur le mode lent. L’Union Astronomique Internationale et son groupe de travail sur les astéroïdes géocroiseurs (WGNEO) vient de recommander que des journalistes soient inclus au groupe d’experts qui annonceront les prochains objets passant un peu trop près de chez nous.
L’évolution du nombre d’astéroïdes géocroiseurs découverts en fonction du temps.
Il est impossible de présenter une étude détaillée de cette évolution dans un court article. Les quelques diagrammes ci joints montrent par contre clairement que l’intuition de Shoemaker et des quelques autres qui ont réinventé ce domaine d’étude depuis les années 70 était, bien que surprenante, juste.Le premier est une projection de la position des 80000 et quelques astéroïdes connus fin Septembre 2000 sur le plan de l’écliptique (ceux du fichier mpcorb.dat du Minor Planet Center). Parmis ceux là, un peu plus de 18000 sont numérotés, les autres ayant une dénomination provisoire, donc des éléments orbitaux moins précis.On voit un grand nombre d’objets à l’intérieur de la ceinture principale, mais deuxième loi de Kepler oblige, un nombre supérieur est placé dans la ceinture principale. Au moment de ce tracé (calculé avec le logiciel PRISM), c’est à dire le premier Janvier 2001, le nombre total d’astéroïdes géocroiseurs connus, toutes tailles confondues, est supérieur à 1100. Evidemment, le diagramme est une projection en deux dimensions d’une réalité en trois. Evidemment aussi, à l’échelle, le point que représente chaque astéroïde est bien plus grand que l’objet réel. A cette échelle, la Terre mesure de l’ordre de deux microns. Par contre, ce dessin ne comporte que les objets connus, et notamment en ce qui concerne les plus petits objets, est donc très incomplet.
La courbe suivante donne une idée de la manière dont ces astéroïdes, avec l’effet très clair des programmes importants sur le nombre de découvertes.
Cette courbe pourrait être suivie d’une autre montrant le nombre d’astéroïdes numérotés en fonction du temps. Les deux ont la même allure. Il a fallu 198 ans pour numéroter les 10000 premiers astéroïdes et seulement 2 ans pour les 10000 suivants.
Retombées scientifiques :Pouvoir étudier la dynamique du Système Solaire avec un catalogue de 100000 objets plutôt que de 10000 donne forcément une vue très différente de celui ci. Les retombées scientifiques d’un tel projet sont énormes.
- Les astéroïdes géocroiseurs nous donnent l’occasion de mesurer des objets de petites tailles, qu’il n’est pas possible d’observer autrement. Parmi ceux ci, de nombreux objets à rotation très rapide, ce qui semble indiquer que les astéroïdes de plus grande taille ne sont pas des objets monolithiques, mais des agrégats de corps plus petits.- Beaucoup de ces objets sont plus faciles d’accès que la lune. Les temps de vol sont très courts lors des fenêtres de tir (quelques semaines). Dans le futur proche, beaucoup de ces objets vont être visités par des missions spatiales économiques.- A terme, ils seront également utilisés comme ressources pour la colonisation progressive du Système Solaire. Ces objets sont très divers, et procurent à faible distance de la Terre des matériaux très divers (eau, métaux, rochers…).- Par ailleurs, ces objets peuvent également observés par radar, et prochainement par optique adaptative et permettent d’obtenir des images de leur surface pour un coût beaucoup plus faible qu’une mission spatiale. Ils permettent de valider les modèles de rotation des autres astéroïdes obtenus par photométrie uniquement.- Lors de cet inventaire, le nombre d’objets de la ceinture principale augmente énormément, donnant une base de donnée suffisante pour mieux comprendre l’histoire collisionnelle de la ceinture, et par la même du Système Solaire. Beaucoup des familles d’astéroïdes de la ceinture principale sont vraisemblablement formées lors de chocs relativement violents. Composées uniquement de petits astéroïdes, qui seront détectées par un inventaire des géocroiseurs, elles restent à découvrir.- Ce travail est une base afin de mieux comprendre les disques de matières vus autour des autres étoiles.
- Nous découvrons également un grand nombre d’objets particuliers, par exemple nous connaissons aujourd’hui 2 astéroïdes troyens de Mars, 3 astéroïdes dont l’inclinaison est supérieure à 90° (ils tournent « à l’envers » dans le système solaire.
Il existe un point de vue assez étrange dans l’astronomie professionnelle qui veut qu’une activité scientifique est une activité qui donne lieu à des publications scientifiques et seulement cela. Si les astronomes s’occupaient de volcanologie, nul doute qu’ils ne feraient que mesurer la composition de la lave, sa température et fluidité et s’interdiraient bien sûr de s’occuper des mesures de prévention nécessaires. Au diable le contribuable. A ceux qui pensent aussi stérilement, j’espère que le paragraphe précédent donne au moins quelques raisons « purement scientifiques » de s’intéresser aux astéroïdes géocroiseurs.
Une vue globale :
Comme dans tous les domaines des sciences en général, et de l’astronomie en particulier, de nombreux progrès ont été réalisés dans le domaine de la science des impacts depuis les années 80. Mais ce nouveau champ d’étude a cela de particulier qu’il recoupe aujourd’hui de très nombreux domaines, des astronomes aux philosophes, en passant par les géologues, les climatologues, les paléontologues, les militaires, les historiens, les sociologues tous apportant leur pierre à la compréhension globale du problème. Ces différents domaines nous donnent une image assez claire, certes encore en évolution, mais dont il est possible de s’instruire :
Les impacts sont d’autant plus rares qu’ils concernent des objets de grande taille. La fréquence de ces impacts dépend sur le long terme uniquement du nombre d’objet d’une population donnée. Plus les objets sont petits, plus ils tombent fréquemment (la limite étant celle des étoiles filantes, astéroïdes de taille de l’ordre du millimètre, qui tombent en permanence). Différents chiffres sont annoncés en ce qui concerne cette population, tout dépend de la courbe que l’on utilise pour estimer sa distribution. En ce qui concerne les objets géocroiseurs de 1km on trouve une fourchette comprise entre 1000 et 2000 objets, avec quelques estimations récentes ayant tendance à favoriser les nombres inférieurs à 1000 (donc en fait conforme aux estimations initiales de Gene Shoemaker, datant des années 1980). Ces calculs sont peu importants, dans la mesure où un indice plus important, à savoir une diminution du nombre d’objets découverts en fonction du temps (et une augmentation du nombre de redécouvertes accidentelles d’objets déjà découverts) sera un indicateur plus précis de la réalité de cette population. Hors pour l’instant, le nombre de découverte ne cesse de croire, preuve que nous sommes encore loin de la fin de cet inventaire. Le tableau suivant est issu d’une publication de D. Rabinowitz de 1992 et donne une idée de la population et de la fréquence des chutes en fonction de la taille.
Magnitude abs. | Diamètre | Nombre estimé | Destruction | ~ Fréquence |
---|---|---|---|---|
> 14 | 4-9km et plus | 16 | Extinctions | 10^8 ans |
> 18 | 0.6 – 1.5 km | 2000 | Globale | 10^5 ans |
> 21 | 170-370 m | 32000 | Pays | 10^4 ans |
> 24 | 40-100 m | 2 millions | Région | 10^2 ans |
- La magnitude absolue, est la magnitude qu’aurait théoriquement l’objet s’il était à une unité astronomique du soleil, et une unité astronomique de la Terre.- Le diamètre est la gamme de diamètre compatible avec la magnitude absolue, en fonction des albédos typiques des astéroïdes.- Le nombre estimé correspond à l’estimation faite par Spaceguard en 1992. Mis à part le nombre pour les objets de magnitude >14, qui est un chiffre mesuré, et vraisemblablement inférieur à 20, les autres chiffres correspondent au nombre d’objets de taille supérieurs à cette magnitude absolue.- La destruction est très variable selon les circonstances de l’impact. La valeur est indicative. Un objet de 50 mètres peut à la fois faire une « Toungouska », comme un Meteor Crater. Par contre il est peu probable qu’un objet de 10km de diamètre ne cause que des dégâts limités.- La fréquence est elle aussi indicative. Elle ne préjuge en rien de ce qui peut se passer ce siècle. La question n’est pas de savoir si, ou combien en moyenne, mais quand se produira le prochain impact pour une classe donnée.- En tant que scientifique, il est incohérent d’observer ce faisceau d’indices convergents (par ailleurs publié dans des revues scientifiques, et non dans des journaux sensationnalistes), et sous prétexte qu’il est socialement inconvenant de « faire du catastrophisme », ou parce qu’étant français, donc fier d’appartenir à l’état qui possède les frontières les plus étanches du monde (cf Tchernobyl), et de fait certainement un ciel antichoc, ne pas s’autoriser à en parler et surtout faire quelque chose pour s’en prévenir. Certes le nombre de gourous/escrocs qui ont fait fortune en prédisant la fin du monde est élevé. Il faut être capable de faire la différence entre « crier au loup » et « faire de la prévention ». Face à un tel faisceau d’évidences amené par les observations, il semble illogique pour des personnes censées de ne pas réagir, tout en s’efforçant d’expliquer la réalité au public (probabilité très très faible, mais suffisante pour que l’on vérifie que le risque, pour les temps qui viennent, est nul). En tant que société, nous devons réagir à ce problème récemment découvert de façon intelligente et pas émotionnelle. Et dans le domaine, en 15 ans de présentation publique des astéroïdes géocroiseurs, je sais qu’il est possible de réagir émotionnellement dans un sens comme dans l’autre (« la fin du monde arrive ! », ou « on connaît tous les astéroïdes potentiellement dangereux, tout ceci n’est qu’une manipulation des services secrets américains ! »). Cette dernière phrase m’a été rétorquée par un planétologue français en 1993. A l’époque nous ne connaissions à peine plus de 200 astéroïdes géocroiseurs, nous en sommes à 1100, et 2 ordres de grandeurs en dessous de ce qu’il serait confortable de connaître. Bien que l’astronomie possède à la fois une culture plus basée sur l’esthétique scientifique (pour ne pas parler de modes) que sur l’utilité publique et un ensemble de mythes cohérents difficile à faire évoluer rapidement, il relève néanmoins de ses compétences d’établir un recensement du Système Solaire interne de façon à s’assurer (et le mot est volontaire) qu’il n’y a pas de risques existants pour le futur.
Ce que les spécialistes en pensent
L’attitude des spécialistes dans le domaine est aujourd’hui basée sur deux décades de réflexion, et les conclusions que ceux ci en tirent sont relativement éloignées de celles qui viennent à la pensée de ceux qui abordent juste ce domaine.- Nous savons qu’il est pratiquement impossible de faire face à l’arrivée d’une comète lointaine sur une orbite d’impact, tout comme il serait impossible de dévier un objet arrivant sur Terre sans le savoir au moins quelques dizaines d’années à l’avance. Tout au plus serait il possible d’évacuer la zone d’impact d’un petit astéroïde (des simulations montrent que l’on peut prédire à une cinquantaine de mètres près la zone de chute d’un astéroïde une semaine avant l’impact).- Pour un objet à courte période (comète ou astéroïde), le cas général est qu’un impact est précédé de nombreuses approches serrées. Donc, il est possible d’établir un inventaire complet du Système Solaire jusqu’à une certaine taille limite. Le calcul de l’orbite donne un certain nombre de paramètres orbitaux dont celui que l’on appelle le MOID (Minimum Orbital Intersection Distance), qui est la distance minimale entre l’orbite de l’objet et celle de la Terre. En deçà d’une certaine valeur, il est possible d’étudier dans le détail l’objet pour prévoir les approches serrées. Si le MOID est inférieur à inférieur à 0.05 UA, l’objet est placé sur la liste des « potentially hazardous asteroids », PHA en anglais, que Johannes Andersen, ancien président de l’UAI avait nommé «perfectly harmless asteroids », aucun de ceux ci ne représentant de danger immédiat (au sens du calcul, c’est à dire au moins pour le siècle qui vient, et certainement au delà). Pour comparaison, la distance de la Terre à la Lune est de 0.0026 UA. Plus l’orbite de l’objet est mal connue et plus l’intervalle de temps qui nous sépare de cette approche est grand, plus la position réelle de l’objet est difficile à estimer. On ne peut donc estimer qu’une probabilité d’impact. Cette probabilité est généralement revue à la baisse lorsque d’autres observations, plus anciennes ou plus récentes, sont rajoutées au jeu de positions utilisées. Le cas échéant, une seule observation par radar peut amener énormément d’informations quand à l’orbite réelle de l’objet (il faut généralement profiter d’un passage serré). Au pire, l’envoi d’une sonde avec largage d’un transpondeur radio donnerait une précision très grande à l’orbite. Nous ne doutons donc pas qu’il soit possible assez rapidement dans le cas d’un objet dangereux d’arriver à une réponse non plus probabiliste, mais positive ou négative, tout en sachant que « assez rapidement » peut vouloir dire une dizaine d’années (d’où à nouveau l’intérêt de faire un travail dans la durée, et pas une détection trop tardive d’un objet dangereux).- Les efforts actuellement développés, quoique beaucoup plus importants que il n’y a seulement une dizaine d’années sont encore largement insuffisants. La NASA s’était fixé comme but de détecter tous les objets de magnitude supérieure à 18 (grosso modo les objets plus gros qu’un kilomètre de diamètre) en 10 ans. Tout dépend du fait qu’il en existe 700 ou 2200 (ce sont les fourchettes basse et haute des estimations). Les prévisions optimistes prévoient une trentaine d’années à l’heure actuelle. Si un impact est vu seulement comme étant une certaine énergie arrivant sur Terre, donc en négligeant l’effet Boris Vian, c’est à dire « l’endroit où ça tombe », on réalise une simplification grotesque. Des objets de 500 mètres métalliques sont plus dangereux que des objets de 1km pierreux (bien que plus difficiles à détecter et nécessitant de plus gros télescopes). Il fallait en 1992 certainement se fixer un but réaliste (donc réalisable) plutôt que de prendre la problématique au pied de la lettre, alors que ce domaine était encore assez neuf et que peu d’astronomes étaient informés de la réalité du problème. Par ailleurs, si on considère le danger des différentes classes d’objets sous la forme d’un nombre de victimes par an (tant de mort potentiels divisés par l’intervalle de temps moyen), on s’aperçoit effectivement que ces objets de 1km sont les plus dangereux. Si tel était le cas, des réseaux de télescopes de la classe des 3 mètres seraient nécessaires (c’est ce que recommandait le rapport Spaceguard). Le gouvernement anglais vient récemment de demander un rapport à 3 experts de haut niveau sur le problème de la détection des astéroïdes. Ce rapport est le donc le second à demander la construction de télescopes de taille suffisante pour pouvoir aussi détecter les objets de petite dimension, c’est à dire, paradoxalement, d’objets qui tombent bien plus fréquemment que les objets de 1km, même s’ils ne font « que » quelques centaines de millions de victimes en moyenne. Faut il donc, comme le recommandait le rapport Spaceguard en 1992 tenter de détecter en priorité les objets les plus dangereux sur de grandes périodes de temps, où les objets qui ont le plus de chances de tomber dans le siècle qui vient ? (je tiens à dire que bien qu’ayant été un des rédacteurs du rapport Spaceguard en 1992, mon opinion sur le sujet a évolué, et c’est évidemment cette solution qui me semble la plus logique aujourd’hui).Par ailleurs, la réalité est que l’on continue encore de découvrir des objets suffisamment gros pour nous envoyer dans le rang des nombreuses espèces qui peuplèrent la Terre dans les temps jadis. L’augmentation de l’efficacité des recherches nous réserve des surprises. Cette année, le télescope de 50cm de Bisei au Japon a eu la surprise de découvrir un nouvel astéroïde géocroiseur de magnitude absolue 13.5, donc correspondant à un objet d’une dizaine de kilomètres de diamètres. Un tel objet n’avait plus été découvert depuis 1993 !. C’est là certainement la première priorité, mais même celle là nécessite des télescopes susceptibles de détecter ces objets sur l’ensemble de leur orbite, c’est à dire à la distance de la ceinture principale. Ceci n’est pas encore le cas actuellement, puis qu’il faut attendre que l’objet soit relativement près de nous, pour être détecté comme un objet à déplacement rapide. Sans compter qu’aucun programme de recherche n’existe dans l’hémisphère sud.Des simulations montrent que si l’on tentait de détecter des objets de l’ordre de 150 mètres de diamètre, donc un survey qui devrait découvrir 100000 objets, il aurait fallu 12000 ans avec les programmes de recherche de 1980, et « seulement » 275 ans aujourd’hui. Le problème est que d’une part observer 275 ans coûtent cher, et que pendant ces 275 ans, la probabilité de chute d’un objet est loin d’être négligeable. Ne faut il pas alors plutôt mettre les moyens nécessaires, et terminer cet inventaire en quelques décades, ou encore utiliser des moyens spatiaux (un satellite de la classe d’un GAIA, avec son grand plan focal, mais avec une ouverture supérieure pourrait effectivement découvrir tous les objets de la ceinture principale en quelques années) ? La problématique de savoir s’il faut réaliser cet inventaire au sol ou depuis l’espace est relativement simple. D’une part, il existe un grand nombre d’astéroïdes de types Aten, qui passent l’essentiel de leur orbite à l’intérieur de celle de la Terre, et qui donc sont mal détectables depuis le sol car situés dans le ciel diurne. Plusieurs groupes étudient actuellement des microsatellites capables de remplir ce genre de mission, ou des instruments volant sur des sondes plus grosses capables de faire ce genre de travail. Par ailleurs si l’on s’intéresse à la détection d’objets de très petites tailles, mais néanmoins ayant plus de probabilité de tomber sur Terre prochainement que les très gros objets dont la fréquence de chute est très rare, tout en étant susceptible d’anéantir l’équivalent de plusieurs départements français au niveau surface, il semble que les moyens nécessaires depuis le sol et le temps nécessaire à l’inventaire donnent l’avantage économique à la solution spatiale.Pour revenir au syndrome Boris Vian, il serait nécessaire d’expliquer en détail les différents scénarios concernant la chute d’un astéroïde sur Terre. Un petit astéroïde (classe "Toungouska") ne fait que des dégâts locaux en se vaporisant dans l’atmosphère, si cette vaporisation a lieu à très basse altitude. Elle ne fait aucun dégât au dessus de la mer (70% de probabilité), sauf pour les quelques bateaux qui viendraient à se trouver là. Un objet de 200 mètres par exemple fera des dégâts nettement plus conséquents, en partie parce qu’il touche le sol. S’il touche la mer (toujours 70% de probabilités), il peut générer des tsunamis, qui sont particulièrement dangereux, une proportion importante de la population terrestre vivant en bordure des océans. Des simulations faites aux Etats Unis (Sandia Lab) montrent qu’un tsunami généré par un astéroïde de quelques centaines de mètres peut avoir des proportions impressionnantes. Sur l’Atlantique par exemple, il couvrirait toutes les plaines du bord de mer, remontant facilement jusqu’à Paris. Alors que les derniers films hollywoodiens sur le sujet renfermaient un nombre impressionnant d’inexactitudes, le tsunami à la fin de Deep Impact sur New York est réaliste, bonne hauteur de la vague, et bonne vitesse de déferlement.
Dans la pratique, on sait aujourd’hui qu’il est difficile d’imaginer exactement ce qui se passe dans le cas d’un impact. Un livre très intéressant de John Lewis (Comet and Impact Hazards on a populated earth, chez Academic Press) a mis en évidence le fait que le nombre de victimes dépend énormément du type d’objet et de l’endroit où il tombe. L’essentiel du livre est la description d’un programme informatique basé sur une simulation de Monte Carlo, prenant en compte une population aussi fidèle que possible à la réalité, et tous les paramètres connus concernant les impacts (dégâts en fonction de la zone de chute, zone détruite directement, hiver d’impact, etc.. ). Ce livre montre clairement que le nombre de victimes n’est pas directement relié à la magnitude absolue de l’objet (donc en fait la brillance dans le ciel), et que sur une période assez longue (on peut faire les simulations sur son ordinateur à la maison), les impacts les plus violents sont liés à des objets qui arrivent avec des circonstances particulières (astéroïdes de type M, métalliques, chute sur des lieux très habités, etc.…). Il est également opportun de rappeler l’impact de la comète Shoemaker Levy 9 sur Jupiter. J’en livrerai ici la manière dont je l’ai vécu. Comme tout le monde avant l’impact, j’avais tenté d’imaginer ce qui allait être visible. J’étais arrivé à la conclusion, que si les impacts étaient très violents, ils déclencheraient peut être une boule de feu qui pourrait, peut être, aller jusqu’à 3000 km. Donc je m’attendais à voir dans le meilleur des cas quelque chose de similaire à ce qu’offre l’observation du passage de l’ombre d’un satellite sur Jupiter, donc une toute petite tache, encore n’était il pas évident qu’il s’agisse d’une tache très contrastée. La réalité a été toute autre, et comme des milliers de personnes, j’ai été choqué de voir des tâches grandes comme trois fois la Terre. En 1989 et 1990, au télescope de Schmidt de l’Observatoire de la Côte d’Azur, nous avions pris des plaques photos de Jupiter pour un programme d’astrométrie des satellites distants de cette planète. Ces plaques étaient très profondes, puisque allant au delà de la magnitude 22. Mon collègue Christian Pollas avait regardé à nouveau ces plaques pour vérifier si par hasard une image très faible de la comète y était visible (elle aurait pu permettre d’affiner l’orbite). Il ne vit rien à l’endroit attendu. Ce qui confirmait que la comète était un petit objet. Les estimations actuelles sont que les plus grosses parties de cette comète mesuraient de l’ordre du kilomètre. Quelques années auparavant, des chercheurs américains avaient prédit que l’impact d’un astéroïde sur la Terre produisait d’une part un tremblement de terre (quelques pourcent seulement de l’énergie de l’astéroïde sont transmis à la terre), et que la formation du cratère était en fait du au « rebond » de l’objet qui en arrachant avec lui près de 20 fois sa masse, injecte une grande quantité de matière dans la haute atmosphère. Le cratère n’est ainsi que l’intersection entre la boule de feu de l’impact et la surface terrestre (expliquant pourquoi les cratères sont toujours de forme quasi circulaire, et entre 10 et 20 fois plus gros que l’impacteur). Cette matière, en ce qui concerne les plus gros débris retombe sur l’hémisphère considéré dans les quelques heures suivant l’impact, alors que les poussières restent dans la haute atmosphère, conduisant très rapidement à un blocage de la lumière solaire au sol, et à un refroidissement de la température appelé hiver d’impact en parallèle avec les hivers nucléaires (radioactivité en moins) qui sont causé par le même phénomène. Je trouvais ce modèle très exagéré. Imaginer la moitié d’un hémisphère terrestre en feu me semblait « trop énorme ». Dans le modèle considéré, effectivement, les débris retombant sur Terre à très grande vitesse généraient des incendies de forte proportion. Je fus très surpris lorsque le modèle de ces chercheurs, appliqué à Jupiter et SL9, fut trouvé comme expliquant le mieux les observations. La boule de feu observée s’élevant 3000 km au dessus de la planète (malgré la gravité de Jupiter), et les taches couvrant une surface équivalent à celle de la tâche rouge (qui contiendrait trois fois la Terre) étaient vraiment époustouflantes. Si j’ai commencé à m’intéresser à l’observation des astéroïdes géocroiseurs pour l’aspect « ludique » qu’ils représentent, j’ai compris la signification de ce jeu après l’observation de SL9 sur Jupiter, malgré ce que Gene Shoemaker m’en avait enseigné à Palomar. - Actuellement il existe des normes concernant les risques majeurs et néanmoins à faible probabilité. Lorsque l’on installe une usine nucléaire ou encore une usine chimique potentiellement dangereuse, on vérifie que le risque est inférieur à une norme admise. Surprenamment, le danger potentiel de chute d’un astéroïde est largement supérieur à ce seuil (quelque soit les estimations faites actuellement, que ce soit 800 à 2000 astéroïdes de 1km ), mais rares sont les gouvernements à prendre ce problème sérieusement. Seul par un concours de circonstances, le gouvernement anglais semble être sur le point de faire un effort dans le domaine. Au niveau des gros programmes astronomiques, l’utilisation d’un télescope de la classe des un mètres, surtout de nouvelle technologie, est ridiculement faible et pourrait être entrepris facilement. Pourtant jusqu’à peu, ce genre de projet ne paraissait pas une entreprise scientifique utile. J’en profite au passage pour saluer les différents directeurs de l’observatoire de la Côte d’Azur. Lorsqu’une catastrophe survient, il n’existe pas de cas où le fait d’avoir pu la prédire ai causé plus de victimes que si elle était survenue sans prévenir (ou sans que l’homme ai fait ce qui était possible pour être prévenu). En ce qui concerne les impacts d’astéroïdes, il en est de même. Certes, actuellement les idées sont assez vagues quant à ce qu’il faudrait faire pour dévier un objet et peu de personnes sont enclins à faire des tests grandeurs réelles sur des astéroïdes de la ceinture principale par exemple. Il semble que l’idée la plus souvent évoquée soit celle de faire exploser une bombe type bombe à neutron à proximité de la surface de l’astéroïde, de façon à pulvériser une partie de la surface de l’objet. Celle ci, en fusion pendant quelques heures générerait une poussée faible, mais suffisante, pour qu’au bout de quelques années, l’objet soit écarté d’un impact avec la Terre. Une impulsion de 1cm/sec est suffisante pour dévier un objet de plus de 13000 km (le diamètre de la Terre) en une vingtaine d’années. Il semble évident qu’il est nécessaire d’éviter de faire exploser l’objet à la façon Armageddon, car remplacer un impact d’un seul objet par l’impact de plusieurs objets, radioactifs par ailleurs, n’est pas une bonne solution. Les militaires savent que surface détruite par une explosion de puissance donnée varie en fonction de la puissance 2/3 de l’explosif. On calcule facilement qu’un seule explosion de 1000 gigatonnes détruit bien moins de surface que 1000 objets d’une gigatonne répartis au hasard. Quelque soit la solution technique retenue, il est évident que si un jour arrive où un impact est prévu de façon certaine pour une date future, les moyens adéquats seront débloqués. Il est évident alors qu’un projet d’une envergure bien supérieure à ce qu’a été le projet « Manhattan » en son temps saura rapidement trouver la ou les solutions techniques nécessaires, pourvu que la prédiction laisse plusieurs décades entre la découverte de l’impact et l’impact lui même. Et par ailleurs, se demander à quoi bon savoir si un astéroïde va tomber sur Terre alors qu’on ne sait pas comment le dévier est équivalent à un principe de pensée défini par les Shadocks : « S’il n’y a pas de solution, c’est qu’il n’y pas de problème. »
La perception des impacts dans le public Les impacts font partie des catastrophes naturelles, mais ce qui les place à part des autres catastrophes naturelles est qu’elles sont d’une part d’origine extraterrestre et d’autre part qu’elles sont à la fois rares et aux conséquences qui peuvent être plusieurs ordres de grandeurs plus graves que les autres catastrophes naturelles. La perception d’une catastrophe naturelle dépend à la fois de sa fréquence (si vous aviez un accident mortel à chaque fois que vous preniez votre voiture, vous marcheriez à pied), de ses conséquences (si chaque accident de voiture tuait plusieurs centaines de personnes, la voiture serait interdite) et d’autres paramètres plus flous comme la perception sociale (si un dictateur tuait 2000 personnes par jour en Europe, les autres états déclareraient immédiatement une guerre, et pourtant les accidents de la route et le tabac tuent en Europe plus de personnes chaque jour et nous ne faisons, en proportion, pratiquement rien contre, parce que ce sont des gestes socialement admis). Il est difficile de concevoir dans nos schémas classiques les chutes d’astéroïdes. Si nous concevons que des efforts importants seraient entrepris si un état terroriste décidait de faire exploser des bombes atomiques au hasard sur Terre (ou seulement menaçait de le faire), on conçoit difficilement qu’il soit nécessaire d’aller faire un inventaire des objets géocroiseurs, bien que des mesures faites sur les autres planètes, la géologie moderne (on connaît aujourd’hui près de 150 astroblèmes à la surface de la Terre) et le début de cet inventaire prouvent que ces objets existent bel et bien, dans les quantités annoncées, et que le danger, bien que faible en fréquence et très élevé en conséquences, existe. La comparaison avec un état terroriste est cependant très limitée. Les plus grosses bombes atomiques jamais fabriquées ne sont rien en comparaison de l’énergie délivrée pendant l’impact avec un objet de 1km. Des énergies de plusieurs gigatonnes sont dans le domaine du possible. Difficile à concevoir, sauf sur Jupiter. Si nous concevons, après s’être informé un minimum, qu’elles peuvent avoir des conséquences énormes (plusieurs milliards de morts sont dans le domaine du possible), elles n’ont jamais été observés et/ou compris comme tels pendant notre courte histoire, et ne sont pas par ailleurs dans le domaine des choses couramment observées. Hors, il semble évident que dans ce contexte, les chutes d’astéroïdes rejoignent le sacré. Les astéroïdes, les extraterrestres et Dieu sont dans notre inconscient, les seules entités qui nous viennent du ciel (libre à vous de penser qu’un des trois, où les trois ne viennent jamais nous rendre visite). Un tiers des humains croient en des religions apocalyptiques, et cette vision est fortement ancrée dans notre culture. A un tel point qu’il a été amusant de suivre l’affaire « Paco Rabanne ». Rappelons que cette personne avait prédit la chute de la station Mir sur Paris pendant l’éclipse de 1999. Mis à part qu’orbitalement, ceci était l’équivalent d’annoncer le déraillement du Paris Strasbourg en gare de Pau (au mieux Mir survole l’Afrique du Nord et ne passe pas au dessus de Paris), il a été très amusant de suivre les commentaires de cette affaire pitoyable, notamment post-eclipse, alors que des commentateurs avisés expliquaient que la fin du monde annoncée par Paco Rabanne n’avait pas eu lieu. Hors, la chute d’une station spatiale sur une ville est loin, très loin d’être la fin du monde, et certainement bien moins dangereuse que celle du moindre astéroïde. Annoncer que quelque chose va tomber du ciel (fut il aussi petit et léger qu’une station spatiale) est annoncer quelque chose du même ordre qu’une punition divine. Sans vouloir dédouaner Mr Rabanne de sa bêtise (quelques coups de téléphone de sa part à des ingénieurs du CNES auraient pu lui éviter le ridicule), il est intéressant de constater que l’équation « chute d’objets célestes » avec « apocalypse –fin du monde – jugement dernier » est encore bien enracinée dans notre culture. Et c’est certainement cet aspect non scientifique qui fait que 30 ans après les premiers travaux de Gene Shoemaker, les moyens nécessaires à cette entreprise ne soit pas encore disponibles. De nos jours, il n’y a guère que les astronomes qui recherchent des astéroïdes qui en voient encore de temps à autres. L’ensemble des astronomes optiques utilisant soit des instruments à trop champ trop faible (spectroscopie, optique adaptative) ou encore des algorithmes permettant de supprimer les détections furtives, comme les impacts de rayons cosmiques ou les images d’astéroïdes. Quant au reste du public, c’est tout juste s’il sait qu’il y a un ciel, réel, immense, au dessus de lui. L’image qu’il en a est généralement très confuse, et c’est la meilleure preuve que l’œuvre de Camille Flammarion est loin d’être terminée. Comment faire passer un imaginaire collectif primitif qui en ce qui concerne la majorité du public admet que des « astres » puissent influencer nos succès en amour et argent à la réalité physique du système solaire et de ce qui est au delà. La problématique de la colonisation du Système Solaire passe par la même impasse. Quelle est la proportion de nos concitoyens qui savent ne serait ce que reconnaître une planète dans le ciel ? - La simple notion de distance pose problème. Lorsqu’un article de journal annonce qu’un objet vient de nous frôler à un million de kilomètres (soit 0.66% de la distance terre soleil), le public hausse les épaules. Hors, d’une part, il s’agit là d’une très courte distance à l’échelle du Système Solaire, et par ailleurs, à raison de 20km/sec, l’objet, s’il venait vers nous, ne serait plus qu’à 50000 secondes, soit moins de 14 heures d’un impact. - Toute cette incompréhension quasi culturelle aboutit à ce que les américains appellent le « giggle factor », à savoir le « facteur ricanement ». Tout ceci n’est qu’une plaisanterie !. N’a t’on pas assez de problèmes sur Terre ? Toute personne qui aborde ce problème commence à en rire, à trouver tout cela ridicule. L’évidence actuelle est pourtant différente. - Encore une source d’erreur possible : Les dangers auxquels nous sommes confrontés ne sont pas liés entres eux. On raconte souvent le cas du voyageur qui emporte toujours une bombe avec lui en avion, car la probabilité d’avoir deux bombes à bord est infiniment petite. Il pense ainsi réduire la probabilité d’être victime d’un attentat. De la même façon, les activités humaines (pollution, centrales nucléaires des pays de l’est, réchauffement global, trou dans la couche d’ozone) qui potentiellement peuvent mettre la vie humaine telle que nous la connaissons sur Terre en danger, ne modifient en rien la probabilité de chute d’un astéroïde. On entend là aussi souvent dire « a quoi bon chercher des astéroïdes, nous avons largement plus de chances de mourir de contamination nucléaire ! » (ou de vache folle, ou de ce que vous voudrez). La statistique de base nous apprend que l’existence d’autres problèmes graves ne diminuent en rien la probabilité qu’un astéroïde tombe sur Terre. L’inverse par contre est vrai. Les conséquences de la chute d’un astéroïde sont beaucoup plus grandes dans une société développée que dans une société primaire, où les habitants sont capables de survivre de leurs cultures. Par ailleurs, il est amusant de voir des scientifiques responsables envisager le stockage de déchets radioactifs sur de grandes périodes de temps en ignorant complètement le danger potentiel que représentent les astéroïdes. Un astéroïde de 1km tombant sur un pays truffé de centrales nucléaires et de zones de stockages de déchets radioactifs (prenons le notre comme exemple), et donc générant des tremblements de terre largement supérieurs au tremblements de terre « naturels » prévus par les mêmes scientifiques aurait vite fait de transformer ce qui fut la France en une terre morte pour un laps de temps assez grand, tout en contaminant les pays limitrophes. Sur un laps de temps de 100000 ans, la probabilité de chute d’un objet aussi gros est relativement élevée. Possédant de nombreuses centrales nucléaires et un littoral abondant (sensibilité aux tsunamis), la France d’aujourd’hui, sans le savoir est particulièrement sensible aux impacts. - La pertinence des sommes à dépenser pour connaître s’il y a un astéroïde sur une orbite de collision avec la Terre sont faciles à estimer mathématiquement, c’est le rôle du politicien, conseillé par des scientifiques compétents. Personne n’a jamais demandé que l’on se protège des astéroïdes et pas du reste, ou l’inverse. L’effort investi doit être proportionnel au danger représenté, au delà de nos croyances métaphysiques. Il est par exemple évident que les systèmes présentés par certains militaires américains au début des années 90 pour détruire les astéroïdes de petite taille lors de leur arrivée sur Terre coûteraient beaucoup plus chers que ce qu’ils permettraient d’éviter. Par contre, il est clair que chercher à trouver des objets plus gros est un investissement digne d’une société moderne. On conçoit aisément qu’une société primitive, qui n’arrive pas encore à contrôler son environnement proche (agriculture), n’a que le choix de subir les catastrophes plus importantes et plus rares comme celles liées au climat, aux volcans et autres catastrophes. Une société très organisée, ou la survie de l’individu dépend du travail de toute la communauté (voir l’effet qu’une simple grève des transports peut avoir) a besoin de protections beaucoup plus élaborées. Même si cela choque notre inconscient, notre société techniquement hyper développée et à la population hypertrophiée a besoin de protections beaucoup plus élaborées. Alors que l’on ne sait toujours pas avec précision prévoir l’activité volcanique, la mécanique céleste nous offre ce confort de nous assurer de ce risque récemment compris, mais ayant d’une part toujours existé, et d’autre part, faisant tellement partie de l’histoire. Histoire de la Terre, dans la mesure où celle ci s’est formée par des impacts successifs aux débuts du Système Solaire. Histoire des espèces sur Terre dans la mesure où la paléontologie nous indique que plusieurs crises majeures (au moins 5) ont ponctuées l’histoire de la Terre. Il est probable que la vie primitive ait existé très vite sur Terre (même au tout débuts de celle ci). Celle-ci est elle auto générée, ou les germes viennent ils de l’espace comme beaucoup de chercheurs l’imaginent ?. Les théories de panspermie font appels aux impacts d’astéroïdes. Constructeurs ou destructeurs ?. Les échelles de temps mis en jeu sont compatibles avec les statistiques de chutes des gros astéroïdes géocroiseurs (centaines de millions d’années). Lors de ces crises, la vie disparaît, puis apparaît sous d’autres formes. La paléontologie néanmoins ne décrit pas l’ensemble des évènements catastrophiques. De la même façon qu’un paléontologue du futur ne pourra pas voir la quasi extinction à laquelle les baleines bleues ont récemment échappé, il est impossible de voir les quasi extinctions qui ponctuent l’histoire de la Terre de façon beaucoup plus fréquente. Depuis l’époque de Lucie, soit environ 3 millions d’années, il y a du avoir une quinzaine d’impacts avec des astéroïdes de l’ordre du kilomètre de diamètre et des milliers d’autres impacts beaucoup plus petits avec des effets locaux. La population humaine a donc subi des hauts et des bas, des peuples sont nés et se sont éteints, pendant que les légendes humaines se créent. Depuis 10000 ans, une relative stabilité au niveau climatique a permis l’émergence d’une civilisation avancée et ce surtout dans le dernier siècle. On trouve néanmoins des périodes plus dures que d’autres, des périodes de refroidissement. - Une non-idée dont on constate souvent les effets est que tout a toujours été comme nous le voyons actuellement et que tout restera de cette façon dans le futur. Idée issue du darwinisme, donc du siècle dernier, et balayée dans les 10 dernières années. La population humaine a explosée (on pourrait dire de façon catastrophique) pendant notre siècle. On constate que notre planète est fragile au point que l’homme peut mettre sa propre vie en danger. La nature quant à elle n’est pas une déesse qui aurait des envies, ou un but, ou une conscience. Patience dans l’azur ? Mon œil ! La vie est belle, surtout lorsque on l’appréhende comme elle est réellement et que l’on s’y prépare...
Quelques adresses de sites webs :
Liens sur les principaux programmes de détection d'astéroïdes :
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