Genèse du projet

Cette page décrit la genèse du transfert du déménagement du télescope hollandais de La Silla vers San Pedro de Atacama.

J'ai travaillé pendant 3 ans à La Silla, d'abord sur le programme DeNIS, puis ensuite pour le programme EROS2. Je travaillais pour le compte du CNRS, mais avec un poste de "unpaid associates" à l'ESO (en gros j'avais certains des droits des personnels de l'ESO au niveau chilien, mais je ne dépendais que de Paris). Sur DeNIs je travaillais avec le télescope de 1m de l'ESO, fabriqué par la compagnie hollandaise Rademakers. Sur EROS2, j'ai travaillé sur le télescope Marly, qui est un télescope de 1m Ritchey Chrétien, et qui ma foi est un très beau télescope. Ce télescope dort maintenant depuis 2003 à La Silla, partiellement démonté. C'est une très belle combinaison optique, du genre que j'aurais bien vue dans mon jardin, équippé d'une grosse caméra CCD, par exemple pour faire une survey profonde (pour ce télescope) de toute la zone entre -30 et -50° de déclinaison pour chercher des transneptuniens brillants, et des astéroïdes normaux au passage.

J'ai demandé à l'observatoire de Marseille l'autorisation de récupérer le Marly dès 2002, avant la fin d'EROS2. Il était peu probable que ce télescope soit un jour rapatrié en France (le démontage du télescope, la mise en caisse, et l'expédition d'un télescope de cette taille là coûte déjà une fortune). Utiliser le télescope à La Silla coûte aussi une fortune, et donc la situation était partiellement bloquée, et le rapatrier à San Pedro, en partageant le temps d'observation ne semblait pas une idée débile.

Malgré l'aide active de Eric Maurice (astronome à Marseille et membre de EROS2), malgré la bonne volonté des directeurs successifs, et en partie à cause de l'arrêt d'activité qu'a provoqué mon accident de moto en 2006, l'avenir du Marly n'est toujours pas décidé. Il pourrait rentrer en France, rester au Chili, mais aux dernières nouvelles en 2009, il continuait à prendre la poussière à La Silla.

En 2005, lorsque j'ai vu que la situation au niveau du Marly durait (euphémisme), j'ai tenté de voir s'il serait possible de récuperer un autre télescope de La Silla, a priori plutôt un des anciens télescopes nationaux arrêtés qu'un des télescopes de l'ESO. J'ai tout d'abord pris un peu d'information à droite à gauche sur ce qui semblait faisable, puis j'ai tenté de contacter les propriétaires du télescope hollandais. Je ne suis pas arrivé à trouver la bonne personne, j'ai, faute de mieux, envoyé un mail au webmestre de l'observatoire de Leiden, un peu comme une bouteille à la mer. Quelques jours plus tard j'ai reçu une réponse de la personne qui savait, me disant qu'a priori, ça semblait faisable, eux étant justement dans une phase de décision concernant l'avenir de ce télescope (qui avait été arrêté en Décembre 2001). Quelques mois plus tard, j'ai rencontré Mr De Zeeuw, qui passait à San Pedro pour une visite et nous avons discuté un peu de ce que je comptais faire et les conditions d'une éventuelle récupération du télescope (que ça ne coûte rien à Leiden, et que le télescope ne soit pas utilisé pour des fins commerciales). Actuellement Mr De Zeeuw est le directeur général de l'ESO. Une réunion supplémentaire du côté hollandais et j'ai reçu le feu vert de leur côté. Vous avez dit efficacité ?

La situation des télescopes nationaux à l'ESO est qu'ils sont des télescopes de l'ESO vu du côté chilien (et surtout du côté des douanes chiliennes). Donc il est nécessaire d'avoir un genre d'accord tripartite entre le repreneur, le propriétaire du télescope et l'ESO. Il faut avant tout rédiger un inventaire des pièces qui vont être enlevées à La Silla. Je me suis rendu à La Silla le 17 Octobre 2005. Sauf qu'à l'époque, le directeur de l'ESO ne semblait pas trop favorable à une récupération de télescope par un privé (autre manière de dire qu'il devait être très occupé :) ), et donc en gros, avant l'arrivée de Andreas Kaufer à la direction de Paranal/La Silla, rien ne s'est fait. Plusieurs mois ont été nécessaire à la rédaction de l'inventaire qui ne devait inclure aucune pièce qui soit propriété de l'ESO. Il a fallu quand même plusieurs mois avant d'arriver à Mars 2007, mois pendant lequel j'ai pu signer les papiers de transferts, qui ont été envoyés à Leiden pour signature et donc avoir le feu vert pour déménager le télescope.

Préparation du déménagement, côté La Silla, Avril 2007

J'avais déjà pu discuter il y a quelques années, à l'époque où on parlait encore du Marly avec Jorge Santana. Il travaille à APEX, après avoir été des années à La Silla et qui hors de l'ESO a une entreprise de transport. Outre un prix attractif, le fait qu'il sache ce qu'est un télescope m'a semblé particulièrement important.

Mon contact sur La Silla après Andreas Kaufer puis Ivonne Riveros pour l'aspect administratif a été Gerardo Ihle, que je connais bien aussi et qui est maintenant le chef d'atelier de La Silla, mais aussi le responsable de toute la partie technique de l'observatoire. Courant 2006, il m'avait fait parvenir le classeur avec tous les plans du télescope, que j'avais du utiliser pour produire un inventaire avec la taille de chaque pièce (l'avocat de l'ESO souhaitant avoir ces dimensions de façon à ce que je ne parte pas avec le NTT plutôt que le télescope hollandais :) ). Nous nous sommes coordonés pour un démontage du 2 au 5 Mai 2007. François Colas étant de passage au Chili pour une occultation de Pluton, il pourra ainsi me prêter main forte sur place. L'ESO ne fournissant aucun support pour l'opération. J'ai pu malgré tout discuter avec Gerardo de certains points techniques concernant le démontage du télescope.

Quelques mauvaises nouvelles : Impossible de remettre la main sur la caisse de transport du miroir (c'est un bloc de verre de 162mm d'épaisseur, 914mm de diamètre et un poids de 208kg). Impossible de remettre la main sur le support du miroir (permettant son démontage et sa manipulation hors du barillet). C'est un genre de cercle en feraille bridant le miroir.

Quelques bonnes nouvelles : Il ne devrait pas y avoir de problèmes pour m'aluminiser le miroir, il faut juste ne pas trop être pressé, compte tenu de la charge de travail des opticiens. Mais bon, je ne compte pas observer dès le 15 Mai, donc tout bon. Le miroir me sera livré par transporteur après aluminiure. Tout le système de manutention du télescope (blocage des axes lors du démontage) a pu être identifié à La Silla. Le pb est que la manutention de ce télescope par l'ESO est faite en utilisant l'outillage utilisé pour le 1m et le 1.5m. Donc l'équipement propre du télescope risquait d'avoir aussi été égaré. Au pire je n'ai qu'un cadre en métal de manutention du miroir à refaire ici. Mais peut être est il à la casse de l'ESO (du moins au ferailleur qui vient toutes les n années récuperer toutes les pièces jetées par l'ESO).

A priori je suis parti pour aller de San Pedro à Antofagasta le 30 Avril après mes tours (arrivée chez la belle soeur à 3 h du mat) en voiture, puis repartir à La Serena en fin de matinée après une bonne nuit, avec une arrivée probable dans la soirée/nuit. Le 2 Mai au matin, récupération de François à son hôtel, passage au Sodimac du coin (magasin de bricolage) pour acheter du bois (pour faire des caisses pour les sous ensemble du télescope), du plastique (pour tout emballer) et quelques autres trucs de dernière minute. Montée vers midi, arrivée à 14 heures à La Silla.

Si tout va bien, démontage de la bonette, de la lunette guide, et des optiques dans l'après midi, décablage des sous ensembles moteurs, focalisation, mise à nu du télescope le lendemain, et le 4, venue d'un camion grue et du camion plat, chargement de la bête en trois sous ensemble, le tube optique vide, la fourche et la base équatoriale. Départ pour San Pedro dès que possible, on s'arrêtera sur la route pour dormir (Chañaral ? Antofagasta si on a vraiment pu partir de bonne heure), et arrivée le 5 à San Pedro, ou devrait nous attendre un artisan qui a une pelleteuse que l'on utilisera comme grue pour décharger le télescope dans le jardin. J'aurais auparavant fait des U en bois pour recevoir le tube du télescope sur le camion. Le reste, posé dans la benne ne devrait pas bouger, vu le poids.

Avant d'arrivée, on saura enfin le poids du télescope, et donc rapidement on devrait avoir une idée de la construction du pilier. Donc dans la semaine on devrait faire le trou pour le pilier (pelleteuse), ferailler le tout puis couler le socle du pilier (avec mes amis boliviens). Quelques jours plus tard, commencer le coffrage du pilier (1.1mx2.2mx3m de haut) et couler le pilier. Il doit sécher un bon mois avant de pouvoir mettre le télescope dessus, mais on devrait pouvoir reboucher le trou en compactant la terre, puis couler les 8 piliers du batiment, et souder la charpente de l'étage. Couler ensuite la dalle de l'observatoire, et souder le cerclage qui supportera les plaques de taules qui font le mur de la coupole. Je pense qu'il faudra que je fasse réellement gaffe à la température, et couvrir le tout, voir mettre un petit chauffage pour mettre l'ensemble hors gel durant les nuits.

Je dois faire cintrer de la feraille à Calama (j''ai trouvé un atelier qui avait une cintreuse) pour faire le rail de la coupole, et la charpente principale ainsi que les cimiers. Je pense construire la coupole au niveau du sol, riveter les taules dessus, et un beau jour, faire venir une grue pour monter le télescope sur le pilier et la coupole par dessus. J'ai bien aimé la description de la construction de la coupole de Steve Lee de l'AAO

La salle de contrôle sera construite avec une charpente métallique qui s'appelle par ici du Metalcon, encore un produit qui ne se vendrait pas bien en France... :) On fait une structure vissée, puis côté extérieur on monte ce qui s'appelle un siding, et à l'intérieur par exemple des panneaux de bois (lambris ?). Entre les deux (mur de 10cm) de la laine de verre pour isoler.

Bon tout ça, c'est la théorie, et comme on dit, en théorie, la pratique et la théorie sont la même chose, sauf qu'en pratique, ça ne l'est jamais... :) A lire donc dans ce qui suit...

27 Avril, Calama

Achat de quelques outils manquants, de bois pour faire la caisse du miroir.

Suis allé à Construmart, un autre Leroy Merlin local, qui a enfin des prix intéressants sur le ciment. Au Sodimac, le prix est le même quelque soit la quantité, et là j'ai besoin de 120 sacs en tout. Et en plus il faut payer 100000 pesos pour faire livrer à San Pedro. Là le sac me revient moins cher qu'à Sodimac, livraison à San Pedro inclue. J'avais auparavant été voir une boite qui vend les camions de béton à l'ALMA (ils ont font venir en ce moment 6 par jour, tous les jours, c'est l'usine), et c'est assez cher, genre 60UF (Unidad de Fomento, un indice basé sur l'indice des prix, ça vaut 18000 pesos), donc en gros 1800 euros le camion et il m'en faut deux, un pour la base, l'autre pour le pilier. D'un côté le béton est de meilleure qualité, d'un autre côté c'est hyper cher quand même (en fait c'est le transport depuis Calama, 100km, qui coute cher).

28 et 29 Avril, San Pedro

Tenté de contacter mes ouvriers boliviens habituels et ils sont rentrés chez eux pour la moisson de Quinoa (un genre de riz local). Ne rentrent que fin Mai. C'est un peu une tuile, et il me faut trouver d'autres ouvriers, et certainement prendre le béton au camion, je n'aurais pas confiance en d'autres personnes. Je les ai vus au début d'Avril et leur ai dit que j'aurais besoin d'eux à la mi Mai. grrr

J'ai passé une bonne partie de la journée avec une équipe de ARD (télé allemande) et n'ai pu que remettre le miroir du T40 dans son tube. Trois tours, dodo.

29, réalisation de la boite du miroir du télescope, qui doit faire moins de 1m de côté pour rentrer dans la benne de ma camionette.

30 Avril 1er Mai, on the road...

Terminé la caisse dans l'après midi (vernissage), préparé les outils, les fringues, les trucs qu'il ne fallait pas oublier, seul problème, j'avais trois tours à faire avant de partir. Parti à 0h30.

Ensuite direction Antofagasta où je suis arrivé à 4 heures du mat chez la belle soeur... Là, petit déj, et je continue la route.

Demain je retrouve François de bonne heure (si tout va bien) et on monte à La Silla. Il y a un télescope qui ne le sait pas, mais il va entrer dans une phase de turbulence :)

1er Mai

Evidemment les trucs que j'ai oublié, le classeur avec tous les plans mécaniques du télescope. Ca eut été utile. Donc reparti de Antofagasta à midi, et quelques arrêts sur la route, dont un par les flics de Copiapo, coup de chance je ne roulais pas trop vite, coup de malchance, je n'avais pas vu que mon permis de conduire était périmé depuis Décembre 2006 (il m'avait été fait pour 2 ans seulement), j'ai failli me le faire confisquer (avec obligation de passer au tribunal quelques jours plus tard pour le récupérer), j'ai expliqué que j'étais astronome, allant à La Silla, démonter un télescope pour le remonter à San Pedro, que les gens m'attendaient, que je ne pouvais pas faire reporter une opération aussi importante, et ça a marché, ils m'ont laissé repartir, en me parlant de la nouvelle exoplanète quasi terrestre... Ouf. Sinon Génésis, Richard Galliano, Steve Reich et Philip Glass sur l'autoradio. Je roulais en pensant à tout le travail à faire.

Suite du blog, le démontage et déménagement du télescope à San Pedro

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